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Lettre de M. Capdeville d'Arricau adressée à son neveu

[La transcription peut comporter des erreurs]


hagetmau le 31 xbre 1839.

, Mon cher neveu ,

je sais à présent que votre lettre du 22 xbre ne contient qu'une partie de la vérité; vous n'y parlez que d'une indisposition passagère, tandis que vous avez eu une petite fluxion de poitrine, dont vous étes guéri, mais qui vous a laissé un peu de pâleur laquelle n'a pas encore disparu: voilà ce que j'appris de lamanéne, le jour de noël.
ce brave homme n'avait pas tout dit à mon domestique. enfin vous étes guéri; dieu est bon, ne songeons plus qu'à le remercier et à nous réjouir: mais il faut vous bien ménager, et ne pas vous exposer aux intempéries de la saison; et en conséquence, nous renonçons au plaisir de vous voir cet hiver; nous vous engageons à ne pas vous mettre en route pour nous; si un nouveau rhume venait vous y prendre, nous ne nous en consolerions pas: celui qui ne sait pas aimer ses amis pour eux-mêmes, n'est pas digne d'en avoir.
j'ai témoigné, à mr. le docteur, dans ma réponse à sa trop aimable lettre, combien j'étais sensible aux nouvelles marques d'amitié que vous venez de me donner, en prenant toutes les mesures convenables pour la présentation d'une fille chérie, que je vous recommande, et que je place sous votre protection immédiate: dieu veuille que vous et mr. le docteur la trouviez digne de paraitre et de se faire remarquer dans le monde littéraire où je souhaite, ardemment, de la voir introduite, si toutefois elle vous semble assez pourvue de charmes pour obtenir cet honneur suprême; mais, parlons sans figures: je puis vous jurer, mon cher ami, que j'ai travaillé, en conscience, la pièce que vous lirez dans quelques heures; toutes les strophes qui m'ont paru manquer d'harmonie, je les ai refaites; tout vers faible ou prosaïque a été mis à la réforme; en un mot, je n'ai rien négligé, je n'ai épargné ni peines, ni soins, ni temps, pour perfectionner mon ouvrage, pour le rendre digne du suffrage des connaisseurs; ai-je réussi ? c'est à vous, messieurs, qu'appartient le droit de me l'apprendre: je crois pourtant, sauf meilleur avis, que mon Élégie ne doit pas être remise sur le métier, et je me fonde sur la doctrine d'un rhéteur célèbre qui me conseille de ne pas donner dans le défaut de ceux qui ne sont jamais contents de ce qu'ils ont fait, et qui, changeant et rechangeant sans cesse, rendent leurs écrits secs, décharnés, peu naturels, et il ajoute qu'à force de limer un ouvrage, on lui ôte souvent ce qu'il a de force, de substance et de grâce. enfin, voici, en dernière analyse, comme je raisonne; mon élégie est bonne ou mauvaise; si elle est bonne, qu'elle vole à la gloire; si elle ne vaut rien, le feu, le feu l'attend ici: mais si vous pensez, mes amis (je parle à mr. le docteur comme à auguste) qu'elle peut hardiment voguer vers toulouse, veuillez l'embarquer; les règlements de l'académie, que vous trouverez ci-joints, vous serviront de boussole; et si la personne, que vous chargerez de la présentation, a besoin d'instructions plus amples, daignez la prier de s'adresser à mr. jean-matthieu douladoure, imprimeur de l'académie des jeux floraux, rue saint-rome, n° 41. je sais que c'est un homme fort poli et fort obligeant. il lui dira, par exemple, si le récépissé fourni par mr. le secrétaire perpétuel doit demeurer dans ses mains, ou être envoyé à l'auteur: le nom de l'auteur doit-il être connu du correspondant ? c'est ce que j'ignore.
mr. votre père ne veut donc pas être tenu en chartre privée ? je n'en suis pas surpris, car ce n'est pas chose agréable; mais sa santé, qui se fortifie, de jour en jour, doit être, pour lui, une source abondante de consolation; et la certitude de reprendre bientôt le train de ses affaires doit lui donner de la patience, pour attendre, et du courage, pour supporter l'ennui, compagnon habituel de la vie passive.
daignez, mon cher neveu, recevoir pour vous, et faire agréer, à mr. votre père, à mesdames hiard et bastiat, ainsi qu'à mr. le docteur, les voeux ardents et sincères que les deux inséparables forment, pour vous tous, à ce renouvellement d'année; si celui, qui règne dans les cieux, veut les exaucer, vous jouirez, sur la terre, d'un bonheur parfait, d'un bonheur sans mélange, et que jamais rien ne troublera.
adieu, mon cher auguste, ménagez-vous bien; point d'imprudence. ne perdez pas de vue surtout que de grands dangers accompagnent presque toujours les rechutes. tout à vous.

Capdeville d'arricau

p.s. je n'ai pas trouvé, ici de papier assez grand, ni assez fort, pour mettre, sous la même enveloppe, les trois copies qui doivent être adressées à votre correspondant; si vous leur faites prendre la route de toulouse, souvenez-vous qu'il faut affranchir le paquet, et que le concours n'est ouvert que jusqu'au 15 février 1840.