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Lettre de M. Darrieux adressée à M. Deportets, propriétaire à Pimbo (40)

  • Date: 13/03/1817
  • Lieu: Paris (75)

[La transcription peut comporter des erreurs]


Monsieur
Monsieur Deportets propre
A Pimbo
Dept des Landes

St Sever



Paris, le 13 Mars 1817.

Darrieux, Avocat aux Conseils du Roi et à la Cour
de Cassation

Rue Neuve-des-Petits-Champs, N° 54.

A Monsieur Deportets, propriétaire à Pimbo.

Monsieur,

Dans le principe, quand j'ai introduit au Conseil d'Etat le recours contre Made Lichandre, je n'ai dû avoir qu un seul objet en vue: savoir la péremption des délais qui allait nous atteindre, et qu'avant tout il fallait prévenir.
Les piéces de l'affaire m'étant parvenues depuis; j'y ai regardé de plus près. En résultat j'ai pensé qu'il était prudent d'essayer les voies de la conciliation; non que le pourvoi me parut dénué de fondement; mais par la raison que j'en trouvais les chances peu en harmonie avec les embarras & les frais dans lesquels vous alliez vous engager.
Voila pourquoi, d'accord avec M. vôtre cousin, je m'en était tenu à une Requête sommaire; subordonnant la suite de l'instruction à une détermination ultérieure & combinée de vôtre part.
Au fait:
Made Lichandre a demandé que le déversoir de vôtre moulin fut abaissé, elle se plaignait qu'il donnait trop d'élévation aux eaux du canal et occasionnait fréquemment l'inondation de ses propriétés.
Aux termes de la loi du 6 octobre 1791, c'était aux directoires de département à fixer, en cas de contestation, la hauteur des déversoirs des moulins et usines; aujourd'hui les préfets remplacent les directoires de département en cette matière: c'est un point de doctrine devenu depuis longtems élémentaire au Conseil d'Etat.
Or, vous remarquez qu ici, le conseil de Préfecture, tout en accueillant les plaintes de Made Lichandre, ne s'est pas permis de déterminer la hauteur de vôtre deversoir; il en a laissé le soin au préfet, qui a statué par son arrêté du 17 septembre 1816.
Jusques-là la décision du Conseil de préfecture est donc à l'abri de la critique.
Restent les deux autres dispositions, savoir:
1° Celle qui vous astreint au curage et à l'entretien du canal;
2° Celle qui vous condamne à établir un pont à la place du gué.
Ici je suis disposé à penser que les principes de la compétence ont été violés, et que le Conseil de préfecture a entrepris sur les attributions des Juges ordinaires, seuls appelés à régler l'étendue et l'exercice du droit de propriété.
Mais en admettant que nous fassions annuller la décision sous ce rapport, il vous faudra commencer un nouveau procès devant les tribunaux; et quelle en sera l'issue ?
Relativement au Curage, il me parait difficile que vous parveniez à vous débarasser de cette charge: car, puisque le canal est vôtre propriété vous étes nécessairemt obligé de le maintenir dans un état qui ne nuise pas aux voisins.
Peut-être n'en sera-t-il pas de même quant au pont, si vous étes en mesure de prouver que le canal n'est véritablement grévé que d'une servitude de gué;
A cet égard il y a deux observations à faire.
D'abord, je craindrais pour vous le préjugé résultant de cette circonstance établie au procès, que déjà il a existé un pont à la place du gué: de sorte qu'en nous forçant à la reconstruire, il semblerait qu'on ne fait que rétablir les choses dans leur véritable état. Dans cette hypothèse vous n'auriez rien gagné à faire infirmer la décision du Conseil de préfecture.
En second lieu, supposons que la question fut jugée différemment; je me demande si vous aurez beaucoup gagné, et si cette chance vaut la peine que vous vous jettiez dans les embarras d'un procès long et dispendieux; car je m'imagine que l'établissement en l'entretien du pont ne constituent pas une charge bien onéreuse.
Ces réflexions qui m'avaient déterminé jusqu'à présent, à ne pas donner suite à l'instruction, se fortifiaient dans la pensée de l'idée que Made Lichandre se prêterait à un accomodement. Elle resiste: et M. Couget pense que néanmoins elle se relâchera de ses prétentions si elle se voit serrée de près.
Sur cela je n'ai rien à objecter.
Dans une dernière lettre de même date que la vôtre, M. Couget me mande d'aller [manque ...ant]. Toutefois j'ai cru devoir n'en rien faire, quand de vôtre côté, vous me [manque] différer jusqu'à ce que je vous aie fait connaître mon opinion, sur laquelle vous [manque ...ez] vouloir délibérer encore.
J'ajourne donc toute démarche jusqu'après vôtre réponse; je vous engage seulement à ne pas me la faire attendre: ou bien l'affaire pourrait prendre une direction autre que celle qui me conviendrait.
En tout ceci je ne vous ai parlé que de l'arrêté du Conseil de préfecture, parce qu'il est le seul qui me paraisse susceptible de discussion. Quant à celui du préfet, il me présente aussi peu de prise au fond qu'en la forme; j'avoue dumoins que dans les documens que vous m'avez transmis je n'ai rien trouvé qui atténuât le rapport de l'ingenieur qui en fait la base.
Je vous réitère, Monsieur, l'assurance de ma considération et de mon dévouement.

Darrieux

P. S. J'écris par le même courrier à M. Couget. [ Au moment où je ferme ma lettre, je reçois d'un M. Tavenot, se disant chargé par Made Lichandre de savoir si j'avais mandat de vous pour terminer à l'amiable; je lui écris pour lui assigner une conférence, dont je m'empresserai de vous faire connaitre le résultat.



18 mars 1817