Lettre adressée à Henri d'Olce, à Fribourg (Suisse)

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Monsieur
Monsieur Henri d'Olce
à Fribourg
Suisse



Besancon, Samedi 10 du mois, 1838,

Je te remercie beaucoup, mon cher Henry, de la lettre que tu m'as écrite; je n'étais point à Besançon mais à Jalleranges, où je l'ai reçue; elle m'a fait d'autant plus de plaisir que tout ce que je venais de quitter rappelé par toi à mon souvenir m'était plus cher.
Deux jours après notre arrivée à Besançon Jalleranges est venu chercher Cavalier et moi dans un char à banc, nous a procurés des fusils et nous a conduits à sa maison de campagne le soir de la Toussaint après les offices. Le lendemain nous avons commencé à chasser jusqu'à hier matin vendredi sans discontinuer depuis le matin jusqu'au soir, du moins Jalleranges et moi, et cela par un temps détestable. Le jour de la St Hubert nous avions une meute de 12 chiens; ce jour-là tout chasseur vieux ou jeune doit en Franche-Comté tenir son fusil; c'est de règle; aussi étions-nous très-nombreux. Nous avons lancé deux lièvres; le premier a été forcé au bout de trois quart d'heures; en moins d'une minute les chiens l'avaient dévoré, le piqueur est arrivé assez tôt pour avoir une patte. Le second lièvre lancé par les chiens passe à quinze pas de Cavalier. Pan !.... Pan !..... Ses deux coups partent, mais c'était le premier qu'il voyait courir, aussi cela ne sert-il qu'à redoubler la vîtesse du lièvre qui file comme un trait. Alors Jalleranges et moi nous mettons à la tête de la chasse et nous l'avons suivie au grand trot à plus d'une lieue devant nous en fonçant à travers les broussailles et les buissons les plus épais. (Tous les bois ici sont des taillis dans le genre de notre échalacière.) là les chiens ont fait double chasse, ils ont lancé 2 lièvre pour un et tout a été gâté. Il fallait voir comme Jalleranges avec sa trompe sonnait les lancé, les débuché, la vue et l'halali quand la bette était morte, ça fesait un effet charmant dans les bois.
Nous avons été une autre fois au chien courant, nous avons lancé trois lièvres sans pouvoir en tirer un seul. Mais la chasse la plus drôle que je connaisse est celle du blaireau. A minuit deux hommes vont boucher tous les trous de blaireau de la forêt voisine dite le bois du bas: le lendemain nous arrivons avec une douzaine de chiens tant d'arrêts que courants; on lâche les uns dans le bois, on garde les autres pour relais, et bientôt commence un ramage de chiens à assourdir. On lance le blaireau, il court, il est près d'être pris, lorsque le rusé compère qui avait trouvé son trou bouché alla déterrer un vieux terrier abandonné à qui il demanda l'hospitalité; il se croyait hors de danger; mais, aussitôt gens en campagne, on va chercher des beches des pioches, chacun s'arme de l'outil qu'il trouve sous sa main, on se met à l'ouvrage, et nous voilà tous béchant et piochant pour ouvrir une tranchée; après trois quart d'heure d'un travail opiniâtre le trou parait, on y fait entrer un chien pour le reconnaître, mais il était encore très-profond et le blaireau qui voyait qu'on en voulait à ses jours travaillait de son côté sous terre et la lançait au nez du roquet qui venait lui rendre une visite si peu de son gout. Mais la partie était inégale, nous étions six contre un et nous avancions en ouvrage plus vîte que lui : bientôt il parait acculé au fond de son trou; un gros chien d'arrêt se met à l'ouverture et veut se lancer sur lui, mais le blaireau avec son museau de cochon et ses griffes le repousse. Témoin de la lutte le piqueur encourage son chien d'une manière si énergique avec des [] des f et des mâtin si bien articulés que le blaireau pressé et effrayé des cris des chiens se résoud à faire une sortie. Sitôt qu'il veut mettre le museau hors du terrier voilà quatre gros chiens courants et deux d'arrêt qui lui sautent dessus et le mordant tous à la tête veulent l'entraîner hors de son fort. Impossible, il s'arrache de leurs dents et se recache tout ensanglanté; mais une seconde sortie a lieu; les chiens alors le prennent l'un par les fesses, l'autre par les oreilles et vous le secouent comme un sac de paille; je n'ais jamais vu rien de si drôle que ce blaireau se débattant contre tous les chiens; après les avoir laissé bien s'amuser on a tâché de les écarter comme on a pu, car ils s'élançaient dessus avec une fureur toujours nouvelle, Jalleranges qui venait d'arriver a pris une grosse pioche et lui a brisé le crâne du coup.
[en cours de transcription]