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Lettre d'E. Dupuch, instituteur, adressée à M. Bacon

[La transcription peut comporter des erreurs]


La Bastide d'Armagnac le 21 xbre 1916

Monsieur Bacon

Je sais que vous jouissez de l'entière confiance de M. le Préfet et que vous êtes chargé de veiller à ce qu'il n'y ait point de gaspillage des deniers publics dans la distribution des allocations.
Mais je connais par ailleurs l'esprit d'équité qui vous anime et je sais que vous ne permettez pas qu'un de vos électeurs soit frappé d'ostracisme.
Je vous soumets donc en toute quiétude le fait suivant:
Le sieur Barros, métayer au lieu dit Bouéron, a son fils et son grendre mobilisés. Après six mois de démarches incessantes, sa fille finit par toucher l'allocation; mais se trouvant sans ressources et n'ayant, pour ainsi dire, rien récolté, il se résolut l'an passé à demander lui-même cette allocation, en vertu du principe du "tinel".
J'ignore en quels termes M. Bézian rédigea ses demandes. Toujours est-il qu'il a essuyé 3 refus, et celui de la commission supérieure est ainsi conçu: « attendu que le sr Barros possède un revenu de 1200F et que sa fille est son soutien au même titre que son fils ... etc ... Rejette sa demande. »
M. Dibos, à qui j'ai soumis le cas, n'en revient pas et il se demande à quelle source on a pu puiser de tels renseignements, absolument erronés. - Barros, m'a-t-il dit hier encore, n'a nulles ressources, et si sa métairie a pu donner quelques revenus avant la guerre, lorsqu'elle était bien travaillée, il n'en est pas de même depuis deux ans. En tous cas, sa situation est aussi intéressante que celle des pères de famille qui bénéficient de l'allocation.» Et il m'a autorisé à faire auprès de vous la présente démarche pour tâcher d'obtenir la réparation de cette erreur.
Barros incrimine M. Kientzy et prétend qu'il lui aurait déclaré qu'il n'avait pas le droit de toucher. Je ne m'expliquerais pas plus que M. Dibos les raisons de cette hostilité préconçue et fortement regrettable mais j'y crois d'autant moins que Kientzy s'est entremis parfois pour appuyer des demandes de pères de famille moins intéressants.
Cependant je constate que sur une douzaine de demandes semblables qui se sont produites ici, celle de Barros a seule été rejetée. Pourquoi? J'espère bien le dénicher prochainement lorsque, reprenant ma liberté, je pourrai secouer la poussière des dossiers. Mais puisque le mal est fait, d'où qu'il vienne, il ne s'agit plus que d'y remédier et Barros m'a chargé de vous prier instamment de lui venir en aide. J'y joins mes supplications pressantes et vous demande moi-même cela comme un service personnel, dont nous vous serons, l'un et l'autre, également reconnaissants.
Si donc vous consentez à ce que cette injustice soit réparée et que Barros bénéficie de la loi, comme tant d'autres moins nécessiteux, je vous prie de m'en dire deux mots confidentiellement, et je vous adresserai aussitôt une nouvelle demande (de Barros) que je daterai du 1er xbre si vous le permettez. Vous serez assez bon pour la soumettre vous-même à la Commission cantonale avec votre haute recommandation, et je suis sûr que ces messieurs ne refuseront pas de s'associer à cet acte de justice.
En vous remerciant d'avance pour Barros et pour moi, je vous prie d'agréer, Monsieur Bacon, avec mes salutations, l'assurance de mes sentiments bien dévoués.

E. Dupuch Instituteur

P. S. Je me suis présenté chez vous le 12 8bre pour vous soumettre un cas identique d'une commune voisine: vous étiez absent, et l'intéressée a reçu, depuis, toute satisfaction. Tout est donc bien, qui finit bien.