Basses Pyrénées.Madame de Castarède
au château de Taillefer
Près Pau.
Ma bonne tante,
Je remets de jour en jour à vous écrire dans l'espérance de vous annoncer mon arrivée & je vois avec regret que le mois s'écoule sans que j'aie pu encore mettre mes projets à éxécution. La faute en est à moi même qui ai eu la sotte idée de revenir de paris avec une légère inflammation d'entrailles que des bains quotidiens n'ont pu encore m'enlever. Sans elle je serais deja depuis huit jours avec vous. Cependant je vais un peu mieux &, à moins d'une rechute, la [malle?] de samedi me portera à pau. Je vous aurais depuis longtemps fait part de ma petite souffrance si je n'avais connu la bonté de votre Coeur à mon égard & craint par conséquent de vous inquiéter un peu.
J'ai souvent été sujet à ces atteintes fort désagréables & je sais par expérience qu'un régime très doux & suivi peut seul les faire disparaître. Je suis donc resté ici pour me soigner. Je tenais en second lieu, chère & bonne tante, a ne pas aller promener sur les riants coteaux de Taillefer un visage attristé par une douleur incessante & sourde. il n'y a rien au monde qui me rende aussi maussade que ce genre de souffrances. que ma charmante cousine me pardonne donc, je l'en prie, si je suis resté si longtemps sans lui porter toutes ses commissions. maintenant que j'ai repris ma grosse figure ronde & insouciante je pourrai de nouveau chercher un peu a égayer ses soirées.
& Vous, ma bonne tante, vous avez aussi été un peu éprouvée. Vous souffrez de vos yeux. J'ai eu tout un regret a apprendre cette fâcheuse nouvelle, mais je me berce de la douce espérance de vous trouver tout à fait remise.
Soyez, je vous prie, auprès de tous ceux qui vous entourent l'interprête de mes respects hommages & sentiments bien affectueux
Je vous embrasse de tout Coeur
à Dimanche donc, je l'espère.