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Lettre de G. Lajard adressée à A. Lajard, à Aire-sur-l'Adour (40)

[La transcription peut comporter des erreurs]


Monsieur
Monsieur A. Lajard
à Aire s/ Adour
( Landes )



Bordeaux le 26 Janvr 64

Mon cher Albert

La lettre que tu m'as adressée le 31 du mois passé m'est parfaitement parvenue, et si je n'y ai pas répondu, tu peux être assuré qu'il n'y a pas eu tout a fait de ma faute. Figure toi, mon bon ami, que depuis cette époque, j'ai été dans l'obligation de faire trois fois le voyage de Bordeaux aux Ardouins, les deux premières fois pour ma tante Laurence qui était gravement malade et la troisième pour elle encore et pour ma pauvre mère qui depuis quelques jours était allée auprès de sa soeur pour la soigner. Sa santé étant depuis quelque temps un peu affaiblie, elle a pris une fluxion de poitrine et en moins de huit jours j'ai eu la douleur de la perdre; quant à sa pauvre soeur elle l'avait précédée de 48 heures.
Ainsi que tu peux le supposer, mon cher ami, et mieux que tout autre puisque le malheur n'a pas épargné votre famille, ce double évènement m'a profondément affligé. Dès le moment où ma mère s'est sentie malade elle a été frappée car à la première visite que lui a faite le médecin elle l'a prié de ne pas la faire souffrir puisqu'elle reconnaissait qu'elle était atteinte mortellement, aussi tu peux te représenter ma douleur quand à son chevet elle causait avec moi de sa fin prochaine et des regrets qu'elle avait de nous quitter. La volonté de dieu s'est accomplie et je n'ai plus actuellement qu'à m'incliner et à supporter ma peine, ce que je saurai faire assurément. Je ne suis pas seul affligé, car depuis quelque temps il y a à Bordeaux une grande quantité de malades et beaucoup de morts.
D'après ce que tu me mandes l'état de ton pauvre oncle Doris est toujours fort triste pour lui et bien pénible pour tous ceux qui ont constamment sous les yeux pareil spectacle, aussi malgré le malheur qui me frappe, je t'engage à ne pas changer tes projets de venir à Bordeaux; je ne pourrai point t'offrir de plaisirs auxquels je le sais tu n'aspires pas, mais je t'accueillerai avec l'affection que je te porte.
Sois assez bon pour en me rappelant au souvenir de ton père et de ta tante leur faire part de nos chagrins et reçois mon cher ami, l'assurance de mon affection la plus sincère

G. Lajard

Jules et Lili ne vous oublient pas.

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