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Lettre adressée à M. Darreguy St Cricq, à Bayonne (64)

[La transcription peut comporter des erreurs]


Monsieur
Darreguy St Cricq
à Bayonne
Basses Pyrénées



Le 18 Janvier 1819.

J'ai reçu, Mon cher ami, ta lettre fort tardive du 27 décembre. Ne t'en déplaise, Puisque tu avois demandé de mes nouvelles à Jérome et qu'il t'en avoit donné, tu n'avois Point de doute sur mon séjour à Marseille. tu n'avois donc Pas besoin de le savoir de moi. Pour moi, j'avois présumé que tu n'avois Pas exécuté ton Projet d'etre rendu à Paris Pour le 1er novembre, et j'en ai doublement des regrets Puisque tu en as été empeché Par la santé de ta femme. J'apprens du moins avec satisfaction qu'elle est meilleure. Mais puisqu'elle n'ignore plus la cause des indispositions qu'elle à éprouvées depuis deux ans, l'exemple de Me Moncla doit lui prouver que ce sont les eaux bonnes qui lui conviennent. Cette derniere en avoit éprouvé des effets surprenants, et si elle a eu des rechutes, on ne Peut les attribuer qu'à de fortes émotions très contraires à ce genre d'incommodité. J'espère donc que cela déterminera ta femme à en faire l'essai cette année, et comme je me Propose d'y retourner, je ne te dissimulerai Pas que ce n'est Pas Pour son compte seulement que je le desire. L'époque m'est indifférente, et il n'est Pas apparant qu'aucune affaire me retienne. C'est bien plus Par reconnoissance que par précaution que je ferai ce voyage. Il deviendroit tellement agréable pour moi que je me Promets bien de revenir à la charge. J'ajouterai que les eaux bonnes seroient sans contredit très salutaires Pour Melle Corisande, et si elles ne sont Pas absolument nécessaires à Melle Eliza Pour ajouter à cette brillante santé dont elle jouit, s'il leur est impossible d'augmenter la fraicheur ultra ordinaire de son teint, il est Positif que l'une ni l'autre n'en seront altérées, et son amabilité expansive contribuera au retablissement de la santé de sa mere, puisque la faculté est d'accord sur ce Point, que la gaité Produit le meilleur effet chez la buveuse d'eau. Pour moi, je suis très disposé a ecrire que c'est elle qui a achevé ma guerison, et je ne connois pas de Mistraou capable de s'effacer de mon souvenir. J'en dirois bien davantage, si ma chevelure grise ne m'avertissoit de modérer mon imagination, car il est triste d'avoir à décompter, et il est prudent à moi de ne Pas me compromettre. Je n'ai Pas cette crainte vis à vis de Natalie, et je puis lui dire bien clairement que je l'aime de tout mon coeur, qu'il me tarde beaucoup de l'embrasser. J'ai trop bonne opinion de sa [] Pour qu'elle m'en veuille d'ajouter que je suis aussi fort impatient de la savoir auprès des Dames de St Ursule, et comme je connois toute son amitié Pour ses Parens, je suis bien sur qu'elle fera tout ce qui dépendra d'elle Pour la satisfaire et surpasser ses soeurs, si cela étoit Possible.
Le froid s'est à Peine fait sentir, et il y a eu encore qu'un seul jour un Mistraou bien Prononcé. Il ne m'a Pas du tout éprouvé, et je continue à être fort content de ma santé.
Mon opinion sur les provencales ne Peut Pas changer, elle est fondée sur la réalité. quelques exceptions ne la détruiroient Pas. Les descriptions des auteurs sont rarement fideles. Pour moi, je ne puis te parler que des Marseilloises en général; il est Possible qu'il y ait des quartiers de la Provence où les femmes soient bien, et ou le Pays soit riant. moi je n'ai rien vu de tel. Les environs de la ville de Marseille sont extremement animés Par la multiplicité des bastides qui l'environnent. mais on ne Peut même en jouir qu'en Perspective. Car toutes ces bastides sont environnées de murailles elevés Pour la plupart de 10 à 12 Pieds, et il faut marcher au moins pendant plus d'une heure Pour atteindre leur terme; à Peine est on dans une campagne ouverte que l'on est arreté Par des montagnes où Presque Partout le roc est entierement à nud. Le feuillage de l'olivier n'est Pas d'une nuance agréable à la vue, et après cet arbre celui qui domine est le Pin. au Printems les amandiers en fleurs embelissent le Paysage; mais ce n'est que Pendant un intervalle bien court. on m'a dit que le Pays est très bien de coté de Toulon et je me Propose d'y aller avant de m'en retourner. je t'ai déjà dit que la ville est belle, elle est très animée, et dans ce moment la seconde ville de France Par sa Population, mais le Peuple y est fort grossier et brutal. il ne se Passe Pas de jours que je ne sois témoin de disputes très bruyantes, surtout entre les Poissardes, revendeuses &c, et elles finissent toujours Par des batailles qui attirent toujours la foule. on se fait un amusement de les exciter et on ne les sépare que lorsqu'elles se sont bien rossées.
je ne sais Pas si je t'ai dit qu'on trouve fort Peu de maisons où il y ait des lieux d'aisance, et que c'est dans la rue que l'on va vuider les Pots de chambre même le jour. Des femmes exercent cette belle Profession, et il m'en coute 4 francs Par mois. heureusement que les nombreuses fontaines répandues dans tous les quartiers forment de chaque coté des rues un ruisseau qui enleve tout à l'instant. c'etoit bien Pis autrefois et on est Parvenu à faire cesser le fameux Passe-arrés. si on est maintenant exposé à quelques éclaboussemens, il n'y a que les souliers de compromis.
N'allant Pas dans la nuance, je ne puis Pas te donner des details sur la societé. mais j'ai entendu parler de maisons fort agréables; ce sont elles où l'ont recoit les étrangers et elles sont fort curieuses, en ce qu'on y rencontre des individus de Presque toutes les parties du monde, ou qui les ont habitées.
adieu, Mon cher ami, sois un Peu moins [possesseur?]; je t'embrasse sans rancune. mille amitiés à ta femme.

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