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Lettre de Victor Lhomme adressée à M. Labrouche, vérificateur des douanes à Bordeaux (33)

  • Date: 04/11/1844
  • Lieu: Ajaccio (2A)

[La transcription peut comporter des erreurs]


Monsieur
Monsieur Labrouche, Vérificateur des
douanes
A Bordeaux.



Mon cher Monsieur Labrouche,

Je reçois enfin la caissette chocolat que vous avez eu l'obligeance de me procurer à Bayonne. Nous venons de le goûter; il est excellent et du meilleur choix. Nous vous remercions beaucoup de la peine que vous vous êtes donnée pour nous. Un mandat de 28 fr 50 cs, montant de la note, est ci-inclus; il est payable au Trésor, mais je sais que vous trouverez facilement à en faire le change, sans perte, à Bordeaux.
Votre position à Bordeaux est certainement préférable à celle que vous aviez ici; cependant, vous me parressez regretter Ajaccio. Il en est ainsi de touts les bons coeurs qui ne peuvent s'éloigner sans regret des lieux où ils laissent des souvenirs affectueux et honorables. Mais cette impression s'efface vite; les distractions et les devoirs ont bien vite créé une nouvelle vie pour le cosmopolite, et ainsi toujours jusqu'à ce qu'il arrive au dernier gîte. C'est à peine si quelques reminiscences d'un autre temps viennent occuper l'esprit, si ce n'est aux moments de mélancolie que nous apportent les maladies et les chagrins. J'espère bien que vous ferez une exception pour moi, et que le souvenir de notre collaboration n'aura pas besoin de ce réactif dont Dieu vous préservera, j'espère. De mon côté, je me rappellerai toujours avec plaisir des deux années que nous avons passées ensemble à Ajaccio et j'apprendrois avec plaisir un jour que nous devons nous retrouver dans la même douane.
Vous voilà, Mon cher Monsieur, sur la route qui conduit aux grades supérieurs; travaillez et distinguez-vous : celà vous sera facile avec votre instruction. Pour ma part, j'ai contribué autant que celà a dépendu de moi, au succès de votre carrière, en vous signalant pour les emplois supérieurs de l'admon. Je puis vous le dire aujourd'hui que vous ne servez plus dans ma division.
Je suis toujours à Ajaccio et, comme soeur Anne, je ne vois rien venir. Ma belle mère et ma belle soeurs quittent Paris pour venir passer l'hiver avec nous. Ma femme avoit besoin de leurs consolations. Une des ces calomnies, comme il n'en nait qu'en Corse et à Ajaccio surtout, est venu troubler son existence et la mienne. Ce sont de noirs mystères d'iniquité qu'il seroit trop long de dévoiler et dont l'horreur n'est égalée que par la vertu et l'innocence de la personne outragée.
Faites mes compliments à votre collègue, M. Regimbard, et dites lui que je serois heureux d'apprendre sa promotion à l'emploi de S. Inspecteur. C'est un de mes camarades de douane avec lequel j'ai toujours eu, à Paris et à Rouen, où nous avons travaillé ensemble, d'excellentes et sûres relations.

Soyez assuré, Mon cher Monsieur Labrouche, de
mes sentiments d'estime et d'attachement pour vous.

Vor Lhomme

Ajaccio, le 4 9bre 1844.